Interview de Dominique Avon dans Maine Libre

Une courte interview de Dominique Avon, co-directeur de l’IPRA, réalisée par Marie Roy suite aux attentats du 13 novembre, a été publiée dans le numéro de Maine Libre du 20 novembre 2015.

Ci-dessous, le texte de l’interview :

Dominique Avon, professeur d’histoire contemporaine à l’université du Maine et spécialiste de l’histoire des religions, nous livre ses éclairages sur les attentats du 13 novembre.

« Le Maine Libre » : Comment définir Daech ?
Dominique Avon : C’est une organisation de combattants se réclamant de l’Islam. Ils ont profité du vide d’état provoqué par les conflits irakien et syrien pour se développer. On parle de « L’ État islamique« , et de fait, ils ont quasiment constitué un état : ils ont par exemple une justice, une armée, une éducation. C’est pendant la guerre civile irakienne (2005-2006) que tous les éléments embryonnaires de Daech se sont formés. Vers 2013-2014, ils veulent territorialiser leur combat. La prise de Mossoul en juin 2014 a vraiment marqué un virage, c’est quelques semaines plus tard qu’Abou Bakr El Baghdadi a proclamé le califat. Parce que le but est là : revenir à un califat unique.

Quelle différence entre Daech et Al-Qaïda ?
Al-Qaïda est une constellation. L’organisation ne s’est jamais territorialisée, au contraire de Daech, ce qui évitait d’ailleurs de se prendre des bombes. Mais il s’agit bien d’une émanation d’Al-Qaïda. Ils sont idéologiquement similaires, mais pas stratégiquement. Si bien qu’ils se font concurrence, c’est pour ça qu’actuellement, al-Nostra* est contre Daech.

Pourquoi Daech a choisi de toucher la France par ces attentats ?
Daech produit des revues dans différentes langues, dont le français. Au printemps dernier, il a été annoncé dans ces pages que Daech allait attaquer la société française pour ce qu’elle représente. Il fallait une puissance accessible et menaçante et qui leur pose problème quant à son mode de vie. La France était une cible accessible, au niveau de la géographie et de la sécurité.

Depuis trois jours, François Hollande a multiplié les frappes. Est-ce la bonne réponse ?
Je ne sais pas si c’est la bonne réponse, mais on peut regarder l’efficacité. Sur l’opinion française publique, oui, c’est efficace. Sur le point de vue militaire, l’efficacité est limitée. Ces frappes sont aussi symboliques, elles montrent que la France reste une puissance militaire qui, quand elle est frappée, riposte. Et c’est diplomatique, c’est un message que la France envoie à ses partenaires européens.

C’est une guerre de l’Occident contre l’Orient ?
Non. C’est avant tout une fracture qui traverse l’islam. Il y a deux questions en tension : comment se définir comme musulman au XXIe siècle et quelle est la règle du jeu quand on veut faire droit de cité ? C’est le choix entre deux modèles : le passé avec la mythification d’une époque et le futur avec les sociétés méditerranéennes actuelles.

Pour un citoyen manceau, de quels outils dispose-t-on pour mieux comprendre ces évènements ?
L’institut du pluralisme religieux et de l’athéisme organise trois conférences sur ces thématiques, la première aura lieu le 30 novembre à l’église des Sablons, la seconde le 15 décembre dans une maison de quartier et la troisième devrait avoir lieu dans une mosquée, mais aucune mosquée n’a pour l’instant accepté. Il y a un diplôme universitaire qui va ouvrir en janvier à l’université : « Religion et athéisme en contexte de laïcité ».

Marie ROY

*Groupe de combattants salafistes affilié à Al-Qaïda

 

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