15 siècles de cohabitation en Europe : et demain ?

Les deux co-directeurs de l’IPRA, John Tolan et Dominique Avon, ont chacun publié un article dans le numéro 47 de Place Publique, revue de réflexion et de débat sur les questions urbaines, installée au cœur de la métropole Nantes / Saint-Nazaire.

Dans son article intitulé « Chrétiens, juifs, musulmans : comment ont-ils appris à vivre ensemble ? », John Tolan tire parti des recherches effectuées dans le cadre du projet RELMIN pour offrir de nombreux exemples des façons dont les relations entre chrétiens, juifs et musulmans étaient régulées au Moyen-Âge, dans des domaines aussi variés que l’alimentation, l’accès à la justice ou les relations sexuelles. Il évoque les statuts protégés mais socialement inférieurs accordés aux minorités religieuses par les communautés majoritaires, ainsi que les vagues d’expulsions ayant émaillé l’époque médiévale. A partir de la fin du Moyen-Âge, l’adhésion de tous les fidèles à une même doctrine et à une même Église est devenue peu à peu la norme, même si des exemples de cohabitation religieuse étaient encore visibles dans différentes parties du monde euro-méditerranéen (République des Deux Nations, Empire Ottoman…). Avec les Lumières au XVIIIe puis tout au long du XIXe et du XXe, c’est au contraire l’idée de tolérance religieuse et de non-ingérence de l’État dans les affaires de religion qui a eu tendance à s’imposer. Néanmoins, on constate que la sécularisation des XXe et XXIe siècles n’a pas empêché un retour du religieux, notamment à partir des années 1970.

 

L’article de Dominique Avon, intitulé « Les autorités religieuses en Europe face au choc de la modernité », s’attache à une période allant du XIXe à nos jours. Il présente les deux modèles dominants de la fin du XIXe (le britannique, qui fait cohabiter une religion d’État avec la promotion de droits pour d’autres communautés religieuses, et le français, qui pose en principe que seuls des droits accordés à des citoyens – et non à des groupes reconnus comme constituant une religion – permet une égalité plénière). Puis il aborde la question du positionnement des différentes religions et de leurs instances officielles face aux deux guerres mondiales et aux totalitarismes, avant de s’intéresser le concile de Vatican II qui amorce un renforcement, quoique prudent, du dialogue inter-religieux. Il se penche enfin sur les changements apportés par des flux migratoire nouveaux ou accrus de musulmans, d’hindous, de sikhs et de bouddhistes, dont la religion n’a pas été prise en compte de manière ni immédiate ni uniforme par les États et les institutions européennes. Pour conclure, il mentionne les tendances contradictoires agitant les sociétés européennes au cours des années 2000, la poursuite d’un mouvement de détachement de la religion coïncidant avec une ethnicisation du religieux, tandis qu’un certain malaise inter-confessionnel n’empêche pas la convergence de différents responsables religieux sur les grandes questions éthiques agitées dans le champ politique.

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